temoignages

J'étais arrivé au point de ne pouvoir supporter la moindre contrariété, la moindre observation. Dans la même journée, j'ai fait  six patrons. Au hasard de mes rencontres et de ma route, quand j'avais besoin de quelques sous pour manger, je travaillais. J'ai fait par à coups le saisonnier chez les cultivateurs, le porteur  lors des vendanges, le maçon, le terrassier, je livrais des colis et tout cela toujours accompagné de ma bouteille. Pas de compagne. C'était elle ma compagne, ma maitresse avec ses exigences et son implacable présence. Je dormais avec elle, je la cherchais de la main pendant la nuit comme on recherche la douceur de la personne aimée. Il fallait qu'elle soit là, toujours là, à portée de ma main, de mes envies, sinon quelle angoisse!!

Petit à petit, je suis devenu un vagabond, un trimardeux, un sans domicile fixe et dans la région de Lyon, je dormais sous les ponts. Ah! je les connais bien les ponts de Lyon, surtout le dessous des ponts. J'ai pensé bien des fois à monter sur le parapet et à me foutre en bas. Oui la tentation a même été très forte, mais au dernier moment, j'ésitais. Je donnais de violents coups de tête sur les murs pour en finir et d'effroyables crises d'épilépsie me laissaient sans force.

En 1970, mes pas m'ont conduit dans la région paloise, où je travaillais chez les forains, donnant un coup de main par-ci par-là aux gens qui avaient besoin d'un bricoleur. En 1971, on m'a hospitalisé. Quelques soins mais pas de cure de désintoxication.

J'ai rapidement repris mes habitudes alcooliques, tous les jours, j'étais ivre. Nouvelle hospitalisation avec cure de dégout. Le besoin d'alcool a disparu. Je travaille régulièrement dans une entreprise de maçonnerie.

On me parle d'une association d'anciens buveurs. En avril 1975, sentant le besoin d'être aidé, entouré, le besoin d'un support moral, je me met en rapport avec les membres de cette association, où l'on me reçoit comme un ami de toujours.

Je suis toujours seul dans mon petit appartement. J'aurais pu avoir une compagne, mais j'ai préféré garder ma liberté. Je suis toujours seul dans mon appartement, mais j'ai apporté mon affection à ( bébé) une adorable petite chatte, qui me le rend au centuple. Je suis toujours seul dans mon appartement, mais j'ai l'association et trente frères et soeurs sur qui je puis compter de jour comme de nuit, et avec qui je savoure pleinement ma vie d'abstinent.

Je suis heureux, et le passé de misère alcoolique que j'ai vécu, ce n'a été en fait qu'un mauvais rève.